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Hommage à Micheline Colin

Hommage à Micheline Colin

 

A propos de

« La grande messe à Trelins »

de Micheline Colin

Par Martine Leroy-Terquem

La messe est-elle vraiment dite ?

 

Cette toile fait partie d’un ensemble de messes peintes dans les années 60 à un moment où Micheline Colin s’engageait avec son mari et ses enfants dans l’aventure de Goutelas. Un engagement collectif qui permit la restauration d’un château de la Loire et sa transformation en un centre culturel.

Une aventure qui impliquait le courage du déplacement, du renoncement, de l’acceptation de l’inconnu, tous mouvements aussi inhérents à l’acte de création de l’artiste. Le thème de la messe nous rappelle que Micheline s’appuyait aussi sur une tradition familiale chrétienne, qui fut relayée par la place centrale que prirent pour elle les Beaux-Arts et ses maîtres comme Vieilly et Chartres.

Alors, dans sa peinture, il y eut la « période sanziste » où de grands aplats colorés et contrastés se conjuguent dans des formes puissantes. Puis une période plus intimiste où les thèmes de la famille et des amis se traduisent en une palette colorée et une matière généreuse, comme les portraits d’enfants ont pu témoigner de son plaisir de la maternité.

Elle savait aussi avec brio manier la légèreté du pastel, dans des portraits, paysages, bouquets ou scènes d’intérieur. La série des « mariages » où elle capte encore le bonheur d’être ensemble.

Puis plus tard, la série des nus où la vivacité et la liberté de son trait expriment la sensualité et la présence charnelle en même temps qu’une intériorité et une distance pleine d’humour. Des dessins aux encres et pastels, les « Nus » ont préparé des toiles plus abouties comme les paravents ou les triptyques sur « les âges de la vie » dont l’un est au musée Paul Dini.

Et les bouquets de fleurs, qui sont bien sûr de tradition lyonnaise, mais tellement en lien avec son plaisir de cueillir et de faire des bouquets comme son propre père en faisait de somptueux.

Ses paysages toujours animés de la présence de silhouettes d’enfants, d’amis ou de passants, au risque que leur absence tende sur la toile un voile de tristesse ou de mélancolie. Enfin, dans ces albums de voyage, l’urgence à saisir et à conserver l’instant et la présence donne tant de vivacité et de pertinence à son trait, dans les esquisses de personnages comme dans la description des sites.

Alors, la messe est-elle vraiment dite pour nous qui sommes là rassemblés autour des toiles de nos disparus ? Les « Messes » de Micheline marquent par leur diversité, par leur intensité et la densité d’une matière chaleureuse qui s’accorde avec un regard d’amitié sur tous les personnages. Si ces toiles transmettent avec bienveillance la dimension de célébration d’un mystère, celui de la résurrection et/ou celui de la création ? Dans « la Grande Messe », l’espace du choeur est comme une toile dans la toile, où une matière épaisse, vibrante, colorée et lumineuse s’accorde au thème de la célébration et du sacrement. Sur la droite, les fidèles dans les stalles sont à l’ombre dans un temps d’attente ou d’espérance, alors que sur la gauche un officiant en noir et sans visage s’appuie sur la grille qui sépare la nef du choeur. Cet officiant des ténèbres ne peut trouver les mots pour dire les drames familiaux, l’empilement des deuils et des douleurs indicibles. Elle avait choisi l’espace du choeur, au plus près de l’autel, et de la lumière, là où le Verbe se fait chair et matière.

Alors « la messe de Trelins » nous dit que c’est la peinture qui peut nous parler à l’âme quand les mots n’ont pas pu se dire et elle nous rappelle que la peinture fut pour Micheline, sinon sa religion ou son église, du moins une grande partie de sa vie.
 

La Grande Messe à Trelins

La Grande Messe à Trelins

Dans le courant des modernités

Par Bernard Gouttenoire

 

Avec Françoise Juvin-Coquet, au sein des Sanzistes (1948-50) Micheline Flory, épouse Colin, était la seule femme acceptée par le groupe fondateur en 1925 du Salon du Sud-Est. C'était une référence pour celle qui côtoyait les descendants de Combet-Descombes, Laplace, Morillon, Bouquet, Sénard, Adrien Bas (les Ziniars) juste au moment où Pierre Bonnard influençait ses compagnons de route, Jean Fusaro, Jacques Truphémus, André Cottavoz, Paul Philibert-Charrin.

Dans le sillage de Cézanne et avec la complicité de Gauguin, l'Ecole lyonnaise contemporaine de peinture de l'après guerre, initiait alors les avant-gardes dans le foisonnement de ce siècle où cohabitaient cubisme, fauvisme, nabis et dadaïsme.

Dans ce flux novateur, Micheline Colin s'est tout de suite distinguée parmi les Sanzistes, ne prônant aucune école particulière, sauf la liberté de devenir soi-même à l'exemple du fameux Nabi japonard, Bonnard en personne. On a assisté chez elle, à la création d'un geste épuré dans une palette exigeante, faisant de Micheline Colin un élément clef du groupe, qui ne voulait que retenir les intentions pures au delà du simple jeu des expressions décidées par le sujet...

Ainsi sa vie durant, Micheline Colin dans un regard sur le quotidien des choses, a su affirmer un univers féminin sans mollesse, dans la consistance de sa belle présence, forgée aux charnières de l’Histoire des modernités.