salon de lyon et sud est

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HOMMAGE  A  PIERRE COMBET-DESCOMBES

HOMMAGE A PIERRE COMBET-DESCOMBES

HOMMAGE
A
PIERRE COMBET-DESCOMBES
Cinquantième anniversaire de la mort d’un fondateur du Salon

 

UNE BIOGRAPHIE DE PIERRE COMBET-DESCOMBES

 

1885 – Pierre Combet-Descombes naît le 4 mars à l’hôpital de la Charité à Lyon. Fils naturel, il ne sera reconnu par son père qu’en 1900.

1902-1905 – Il suit les cours de l’Ecole des Beaux-Arts de Lyon.

1908 – Il expose à la société des Beaux-Arts.

1916 – Bien que réformé, il s’engage dans les rangs des infirmiers volontaires chez les Sœurs auxiliatrices et part à Salonique dans l’Armée d’Orient d’où il rapportera de nombreux croquis et dessins.

1917-20 – De retour à Lyon, il est peintre-plâtrier décorateur pour gagner sa vie.

Il réalise des décors de théâtre et des programmes illustrés ; il exécute des gravures et des monotypes.

1920 – Il expose au Salon d’Automne dans une salle consacrée au groupe Les Ziniars, dont font partie : Adrien Bas, Louis Bouquet, Claude Dalbanne, Emile Didier, Marcel Gimond, Jacques Laplace, Etienne Morillon, Antoine Ponchon, Paul Leriche, Jules Roblin, Georges-Albert Tresch, et que rejoindront plus tard Georges Salendre, Venace Curnier et Gabriel Chevallier (par ailleurs auteur du fameux ouvrage Clochemerle).

d’Edgar Allan Poe.La chute de la maison Usherainsi que Images pour Baudelaire, 1922 – Il illustre

au château de Saint-Bernard chez Suzanne Valadon et Maurice Utrillo, pour partager l’amitié autour d’une bonne table…Les Ziniars, et pour invités : Matisse, Bonnard, Derain, Raoul Dufy, Maillol, Marquet, Signac, Vlaminck, Van Dongen parmi d’autres. Pierre Combet-Descombes a été président du Salon de 1933 à 1935 et de 1940 à 1954. Dans les années 1933 à 1938, il se rend souvent avec ses amis Les Ziniars1925 – Il participe à la création du Salon du Sud Est avec

1945 – Pierre Combet-Descombes est décoré de la Légion d’honneur. Il participe à Paris à la Commission des musées.

1952 – IL devient à Lyon membre de l’Académie des Sciences, des Belles-Lettres et des Arts.

1955 – De nombreuses œuvres (toiles et dessins) sont détruites dans l’incendie accidentel de son atelier au 22 rue Thomassin.

1956 – Le décès de Henriette Morel, artiste peintre, le bouleverse. Il dépose un bouquet de violettes sous une toile de son amie lors de l’hommage rendu par le Salon du Sud Est.

. L’œil écoute1966 – En octobre, la galeriste lyonnaise Janine Bressy lui organise avec succès une grande rétrospective à la galerie

Le 4 décembre, Pierre Combet-Descombes périt dans l’incendie accidentel de son appartement. Il repose au cimetière de Caluire-et-Cuire.

Pierre Combet-Descombes était un personnage authentiquement lyonnais, à la fois public, pittoresque et marginal. Piéton infatigable, il aimait faire partager ses enthousiasmes artistiques aux gens qu’il croisait. Sa vie privée nous reste secrète.

 

COMBET-DESCOMBES, NOTRE AMI

CONNU ET INCONNU

 

Le personnage avait éclipsé le peintre. Combet-Descombes appartenait au folklore pittoresque de Lyon. On était habitué à sa silhouette maigre, nerveuse, coiffée d’un galurin pétri jusqu’à l’informe, à son visage d’yeux pétillants sous les lunettes et de poils hirsutes, à son accent de canut artiste toujours disponible à un ample bavardage dans la rue sur des sujets d’actualité ou sur n’importe quoi. Truphémus a tracé de lui un croquis de traits emmêlés, d’une justesse tendre : un buisson en mouvement couronné d’un chapeau mou.

Un masque de faune malicieux du théâtre grec, un sautillement dans l’esprit, de chèvrepied, et la houppelande de la bohême, le débraillé du rêveur. Ce masque avait sa vérité. Combet-Descombes était bien ce « flâneur des deux rives », ce discoureur impénitent jetant des idées, des paradoxes, des provocations, dans toutes les directions de sa curiosité et dont le rire grimaçait.

Beaucoup se sont contentés ou ont dû se contenter de ce compagnon agile, disert, qui tirait toujours de sa poche le récit d’un fait-divers croustillant découpé dans un journal. Or, le conteur public, l’artiste invité aux tables bourgeoises qui payait son écot d’anecdotes ou en tenant une place originale et un peu bouffonne dans les joutes oratoires, était l’homme le plus secret qui fût. On sait peu de choses sur sa vie. Il fallut le tragique de sa fin –le feu avait déjà, une première fois, détruit une partie de son œuvre dans son atelier de la rue Thomassin- pour découvrir le grabat de ses nuits, la solitude, l’intensité de sa solitude. Ses meilleurs amis l’accompagnaient dans le voisinage de sa rue, pas plus. Il grimpait seul dans l’ombre de son immeuble, dans son ombre. 

S’il aima, ce fut avec la ferveur d’un cœur aussi passionné que pudique. Il accompagnait souvent Henriette Morel, dont la peinture était sans mièvrerie, et qui avait l’air, pourtant, d’une ancienne jeune fille de pensionnat, ravissante sous les cheveux blancs, un peu sucrée comme une friandise de la Marquise de Sévigné. Après la mort de cette muse, si harmonieusement en contraste avec lui, on accrocha au Salon du Sud-Est qui suivit, une ou deux œuvres d’elle, selon une tradition d’hommage immédiat. Pendant quelques jours un bouquet de violettes de Parme se fana à la cimaise au-dessous de l’étiquette portant le nom d’Henriette Morel. Furtivement, Combet-Descombes était venu l’épingler là…

 

Alors, il y a l’œuvre qui grandit au fur et à mesure qu’on peut en prendre une connaissance d’ensemble. Celle d’un visionnaire dont l’esprit fut d’abord marqué par l’influence des poètes. Combet-Descombes m’a confié à plusieurs reprises que, pour les débuts de sa carrière, les écrivains avaient beaucoup plus compté que les peintres. N’est-ce pas la raison pour laquelle, dans le dernier parcours de sa vie, alors que régnait sans partage la peinture abstraite, il a pu paraître anachronique. Il n’avait, d’ailleurs, aucun souci d’être à la mode s’il s’intéressait à tout. Son art à lui était figuratif, narratif, mais sur le mode allégorique. Il incarnait les images du rêve.

Le thème obsessionnel de Combet-Descombes fut assurément la femme. Il m’avait accueilli une fois dans son atelier de la rue Thomassin. Une formidable accumulation de murailles de papiers jaunis sur lesquelles étaient épinglés des notations, des croquis sur calque, et entre lesquelles il fallait sinuer jusqu’à un divan près duquel était dressé un escabeau.

Le divan du modèle que Combet-Descombes dessinait souvent juché sur cet escabeau. Autant d’études magistralement exécutées pour les tableaux de l’imaginaire où la femme majuscule –bizarre déité- subissait les tortures de la volupté.

Combet-Descombes appartenait à une génération, héritière du XIXe siècle, où l’image de la Femme se parait des pierreries de la princesse lointaine et se prostituait au bordel. Quelle fascination à déchirer l’inaccessible dans les prouesses du lit exténué ! L’art de Combet-Descombes oscille de la célébration de la vierge au lys à l’écartèlement de la fille de joie, à la contemplation des étreintes épuisées des lesbiennes baudelairiennes.

Quelle puissance, alors, dans le trait musculeux, galopant sur les corps enlacés, quelle fièvre souveraine dans la touche largement posée des peintures ! Il y a du Félicien Rops et du Rouault dans sa vision mais son érotisme lui est personnel par cette prise de possession lyrique du champ féminin pantelant et conquis. Le petit faune voyeur est devenu centaure. Son geste de peintre accomplit l’amant.

Comme Combet-Descombes déléguait au corps de la femme toutes les fonctions allégoriques, celui-ci apparaît partout, dans ses décorations murales, dans ses tableaux, dans ses illustrations pour des livres de bibliophiles, dans ses vignettes pour les programmes de théâtre (on n’oubliera pas qu’il composa et réalisa pour la troupe de Suzette Guillaud des décors et des costumes ingénieux avec des moyens de fortune). Figure majeure ou réduction, cette femme, dessinée ou peinte, traitée selon le procédé du monotype qu’il affectionnait, possède toujours les vertus d’inscription dans l’espace, d’une plénitude ample et nerveuse. Combet-Descombes « savait » le corps féminin. Sa célébration le résumait en un emblème, en un signe d’une économie voluptueuse.

Depuis la mort de Combet-Descombes, qui bouleversa ses amis et le peuple de Lyon qui le reconnaissait comme un des siens, sa frêle silhouette et les « dites donc ! » stridulants dont il émaillait ses discours n’ont cessé de hanter nos mémoires. Cher Combet-Descombes, si typiquement lyonnais dans l’apparence rieuse, un peu comique, et dans le secret intense de ses nuits solitaires, seigneur d’un harem recruté et ensemencé par ses rêves !

Aujourd’hui que s’épuise le terrorisme des avant-gardes on découvre la grandeur de ce maître sans confession esthétique dans le vent, sans concession, qui n’obéit jamais qu’à sa folie intime et trouva son écriture, ivre et royale, pour symboliser le paysage féminin.

Jean-Jacques LERRANT